Au nord comme au sud de la France, « la ressource solaire est partout néces­saire »

Nico­las Hulot souhaite accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment de l’éner­gie solaire en France. Il a pour cela demandé à Sébas­tien Lecornu de pilo­ter un groupe de travail spéci­fique composé d’in­dus­triels, de profes­sion­nels du bâti­ment, de collec­ti­vi­tés locales, d’agri­cul­teurs, d’as­so­cia­tions citoyen­nes… Ce groupe montre, par le nombre et la diver­sité de ses parti­ci­pants, combien la société dans son ensemble est prête à se mobi­li­ser dans cet objec­tif.

Une ressource présente partout

Parmi les orien­ta­tions discu­tées lors des premières réunions, l’enjeu d’une répar­ti­tion équi­li­brée des équi­pe­ments de produc­tion entre tous les terri­toires a rapi­de­ment fait consen­sus et doit être inté­gré dans l’évo­lu­tion atten­due de la régle­men­ta­tion. Toutes les études de gise­ment réali­sées par les collec­ti­vi­tés locales dans le cadre de leurs Plans Climat Air Ener­gie Terri­to­riaux le montrent : le solaire photo­vol­taïque est incon­tour­nable dans l’ap­pro­vi­sion­ne­ment éner­gé­tique de demain.

Que l’on habite au Nord ou au Sud, la ressource solaire est partout présente, dans des propor­tions variables, et partout elle sera de plus en plus néces­saire pour four­nir sur place une élec­tri­cité verte, de moins en moins coûteuse et pouvant être produite par tout un chacun, du parti­cu­lier au grand groupe éner­gé­tique en passant par la coopé­ra­tive citoyenne, la collec­ti­vité locale et l’agri­cul­teur.

Des réseaux satu­rés

Pour­tant, la France a mis en place depuis 2010 un enca­dre­ment très contrai­gnant avec l’objec­tif de limi­ter le poids finan­cier du soutien à la filière photo­vol­taïque sur le porte­feuille des consom­ma­teurs. Il a agi ainsi en réac­tion à une bulle spécu­la­tive qui s’était formée à cause d’un tarif d’achat en guichet ouvert précé­dem­ment trop élevé. Or, ce méca­nisme abou­tit à une très forte concen­tra­tion des projets dans la moitié Sud de la France, au point de satu­rer les réseaux élec­triques et d’ali­men­ter une spécu­la­tion délé­tère sur le foncier dispo­nible. Evitons de repro­duire l’er­reur de l’Al­le­magne qui, en concen­trant l’es­sen­tiel de la capa­cité de produc­tion éolienne au nord, a dû renfor­cer consi­dé­ra­ble­ment son réseau de trans­port au prix d’un inves­tis­se­ment consi­dé­rable !

« Dans une logique d’amé­na­ge­ment et d’éga­lité entre terri­toires, il faut régio­na­li­ser les procé­dures en payant l’élec­tri­cité produite un peu plus cher au Nord qu’au Sud »

Ce méca­nisme met égale­ment en concur­rence les terri­toires. Au Nord, les opéra­teurs locaux qui ne manquent ni de place ni de bonne volonté se voient inter­dire toute possi­bi­lité d’ap­por­ter leur pierre à ce volet incon­tour­nable de la tran­si­tion éner­gé­tique qui sera bien­tôt rendu obli­ga­toire (via la RT2020) pour la construc­tion des bâti­ments neufs.

Discri­mi­na­tion terri­to­riale

Lors du dernier appel d’offres pour des instal­la­tions photo­vol­taïques de 100 kWc à 8 MWc sur bâti­ments, seul 0,5 % de la puis­sance totale a par exemple été allouée à l’Ile-de-France, la Norman­die et les Hauts de France. Et rien en Bretagne. D’au­cuns pour­raient être tentés de parler de discri­mi­na­tion terri­to­ria­le… A ce régime, comment va faire la Ville de Paris pour atteindre son objec­tif de 100 % renou­ve­lable et 20 % des toits équi­pés en solaire en 2050 ? Et la région Hauts de France avec ce même objec­tif de 100 % renou­ve­lable dans le cadre de sa troi­sième révo­lu­tion indus­trielle (Rev3) ? Est-elle d’ores et déjà hors jeu ?

Pour­tant, la solu­tion à ce problème est simple et bien connue : dans une logique d’amé­na­ge­ment et d’éga­lité entre terri­toires autant que d’ef­fi­ca­cité des poli­tiques publiques, il faut régio­na­li­ser les procé­dures en payant l’élec­tri­cité produite un peu plus cher au Nord qu’au Sud, aussi bien pour les tarifs d’achat que pour les appels d’offres, et rele­ver le seuil à 500 kWc pour le passage de l’un à l’autre (contre 100 kWc aujourd’­hui) comme la Commis­sion euro­péenne l’au­to­rise, de façon à permettre à toutes les caté­go­ries d’opé­ra­teurs de trou­ver leur place et de tirer des béné­fices légi­times et raison­nables de leurs inves­tis­se­ments.

Cette entorse à une ratio­na­lité en trompe l’œil, qui voudrait réser­ver le solaire photo­vol­taïque au pour­tour médi­ter­ra­néen, n’a rien d’ori­gi­nal. Elle existe de longue date pour l’éo­lien sans que personne n’y trouve rien à redire. Le méca­nisme en place depuis 2001 garan­tit, à travers une modu­la­tion du tarif d’achat, une renta­bi­lité équi­va­lente à tous les sites, qu’ils soient très, moyen­ne­ment ou peu ventés. Pourquoi cette logique ne vaudrait-elle pas pour le solaire photo­vol­taïque ? Elle est la condi­tion de sa massi­fi­ca­tion !

Tribune portée par le CLERparue dans Le Monde le 6 juin 2018 et signée par Stra­ter­gie.

illus­tra­tion Stra­ter­gie : école de Great Missen­den, Angle­terre

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